mardi 25 octobre 2011

Stratégie spatiale. Qu’y a-t-il de stratégique là-haut… et ici-bas ?

Sans avoir totalement (bientôt !) épuisé le sujet, j’ai énuméré suffisamment de principes de stratégie spatiale pour que chacun puisse se figurer ce à quoi la stratégie spatiale peut renvoyer. Dans ces conditions, maintenant que les éléments principaux sont en place, peut-être est-il temps de déconstruire. J’ai plusieurs fois écrit que l’espace était le « point haut » (high ground) et que le « point haut » était une position stratégique. 
Selon le stratège, la « position qui commande » possède les avantages de la force tactique supérieure, de la difficulté de l’accès et de l’étendue de vue. De même, l’espace. En effet, l’espace surplombe littéralement. Ainsi, les satellites placés en orbite peuvent tout voir, tout entendre et tout dire. Et comme le note Jean-Luc Lefebvre, « qui tient les hauts, tient les bas ! » (p. 126), « qui maîtrise l’espace peut broyer la Terre entre ses mains ! » (p. 151). Ce que nous traduisons par l’idée selon laquelle l’espace offre un double avantage d’énergie et de manœuvre. En conséquence, l’espace permet de dominer le théâtre d’opérations.

Alors l’espace est-il vraiment stratégique ? Nous pourrions répondre sans hésiter « oui ». Mais en réalité, une réponse plus appropriée consisterait à dire que « cela dépend ». Comparé aux autres systèmes – terre, mer, air – le milieu situé en orbite a certainement un avantage distinctif pour ce qui est de l’utilité militaire. Il est la « position culminante ». Pour autant, contre un système spatial comparable, situé sur une orbite proche, les avantages et les bénéfices se trouvent plus ou moins anéantis.
Dans cette logique, il faut noter l’existence de goulets d’étranglement (chokepoints) qui, à l’image des cinq/sept localisations géographiques identifiées par l’amiral britannique Sir John Fisher puis par Mahan au XIXe siècle, permettent le contrôle de l’espace. Il s’agit de régions qui peuvent être exploitées pour leur avantage militaire. Ces positions sont connues : des systèmes spatiaux y opèrent d’ores et déjà, qu’il s’agisse d’activités liées au commerce, à l’information ou au militaire. Outre les orbites intéressantes que vous connaissez déjà (LEO, MEO, GEO, etc. et notamment orbite de transfert d’Hohmann), citons deux exemples :

Il faut ainsi rappeler l’existence de ces anomalies gravitationnelles connues sous le nom de « Points de Libration de Lagrange ». Ces points sont situés là où les champs gravitationnels de la Terre et de la Lune s’annulent. Le résultat est qu’un objet situé à cet endroit restera fixe, sans nécessiter pour cela de dépense d’énergie. En pratique, compte tenu de certaines perturbations, seuls les points L4 et L5 sont stables et pourront faire l’office d’une installation dans le futur. Stratégie spatiale en fait évidemment cas. A noter d’ailleurs que le système Soleil-Terre dispose lui-aussi de ses propres points de Lagrange, déjà exploités comme l’a encore montré récemment Chang’e 2
Lagrange
Source.
Bien entendu d’autres positions peuvent intégrer une valeur militaire sans être des points d’étranglement. J’entends au sens physique du terme. Je pense notamment au spectre électromagnétique dont certaines des régions sont plus convoitées ou exploitées/ables que d’autres. Peuvent particulièrement en témoigner les services de télécommunications, de type radio AM/FM, télévision, radar, etc. Ainsi, les fréquences les plus élevées (30 à 300 GHz) sont capables de transporter le plus d’information, mais elles doivent être relayées par des satellites. Les fréquences les plus basses (3 à 30 kHz) sont, elles, moins chères à utiliser, mais les possibilités d’interférence sont aussi plus grandes.
microwaves pass through the atmosphere, radio waves relected through a charged layer of the upper atmosphere, signal received even though transmitter and receiver are not in the line of sight
Source.
Pour faire simple, les positions stratégiques dans l’espace suivent les lignes de communications, qu’elles soient matérielles ou immatérielles. Cela vaut pour les systèmes qui sont présents dans l’espace (satellites, etc.) mais aussi ceux qui restent au sol (bases de lancement, centres de contrôle et d’exploitation, lanceurs, etc.). Peut-être reviendrais-je très prochainement sur cette notion de communication. Pour le moment, contentons-nous de dire que « les puissances spatiales sont donc des géants aux pieds d’argile qui doivent veiller jalousement à la sécurité de leurs bases et au fonctionnement des liaisons radioélectriques avec leurs satellites. Un grand principe de la stratégie spatiale se résume donc ainsi : Protéger ses arrières terriennes, et ne pas se couper de ses bases ! » (p. 247)

Bref, si nous pensons offensif et défensif à la fois, il faut « protéger ou attaquer le bas pour défendre ou battre le haut »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire