dimanche 11 décembre 2011

1955-2011 : Disneyland "in Space, in the Moon and Beyond"

Source
En attendant la suite de ma série sur le système Terre-Lune et la possibilité d’un retour de l’humanité sur notre satellite (épisodes 1, 2, 3), voici un intermède. Et qui de mieux placé pour nous divertir que le grand Walt Disney lui-même ? Mais au-delà de l’anecdote, ce billet cherche aussi à instruire. Ce dont nous allons traiter aujourd’hui est très sérieux puisqu’il s’agit rien moins que d’analyser les liens entre l’espace et l’imagination américaine.

Pour cela, il faut remonter au début des années 1950. L’âge spatial, stricto sensu, n’a alors pas commencé. Encore quelques années avant le lancement du premier satellite artificiel (1957), le premier homme en orbite (1961) et les premiers pas de l’humanité sur la Lune (1969). Pourtant des visionnaires pensent déjà à « des lendemains qui chantent » dans l’espace. Entre 1952 et 1954, le magazine américain Collier’s publie ainsi une série de numéros consacrés à l’exploration de l’espace. Les intervenants ne sont pas encore connus, mais leurs articles – Wernher von Braun et Willy Ley notamment – ou leurs dessins – Chesley Bonestell – font rapidement impression et laisseront une nombreuse postérité.
Source.
Sans tous les citer, quelques titres valent la peine d’être rappelés. Ainsi, en mars 1952, le magazine titre « Man Will Conquer Space Soon ». En octobre 1952, l’étape suivante est franchie avec « Man on the Moon ». En 1953, l’exploration de l’espace est étudiée de manière plus méthodique comme en témoignent les numéros de février et juin consacrés à « World's First Space Suit » et à « The Baby Space Station: First Step in the Conquest of Space  ». Enfin, en avril 1954, la série s’achève sur la grande question : «  Can We Get to Mars? / Is There Life on Mars? »
Source.
Pour les passionnés d’espace (space advocates ou space enthusiasts selon la dénomination américaine), ces premières années sont cruciales. En jeu, rien moins que faire comprendre à la population et aux décideurs américains que l’espace est chose sérieuse. Si les Européens n’ont pas le même problème après l’expérience traumatisante des V-2, les Américains n’ont pour eux que les images fantaisistes des années d’avant-guerre (Buck Rogers et autres Flash Gordon) afin de définir la « nouvelle frontière », un terme lui-même très connoté choisi avec soin par les partisans d’un programme spatial américain ambitieux.
Accéder aux informations sur cette image nommée Walt Disney Snow white 1937 trailer screenshot (12).jpg.(de gauche à droite) Heinz Haber, Wernher von Braun et Willy Ley
Reste que les articles et les illustrations de Collier’s, bien qu’essentiels, ne touchent pas un public suffisamment vaste. Pour cela, il faut investir la télévision, i.e. le cœur du foyer familial américain. C’est à Walt Disney qu’incombe cette tâche. Le fondateur de l’empire médiatique bien connu est en effet d’autant plus convaincu par l’espace qu’il est à la recherche de nouvelles idées pour son « parc à thèmes » dont une des sections doit s’appeler Tomorrowland. Trois épisodes de 40 minutes chacun sont donc réalisés entre 1955 et 1957 : Man in Space (1955), Man and the Moon (1955), et Mars and Beyond (1957).
Tomorrowland dans les années 1950 (source)
Je vous laisse maintenant savourer. A l’intérêt pédagogique qui aujourd’hui encore reste présent, s’ajoute une dimension historique non négligeable. Pour cause, voilà présentée la VISION américaine de l’espace. Celle reprise par exemple dans 2001 : l’Odyssée de l’espace, mais également celle plus officielle demeurée inchangée depuis son adoption en 1961 – comme l’illustrent les prises de position de la NASA ou les multiples propositions présidentielles de Kennedy à Obama. Précision : ces vidéos sont en anglais non sous-titré, mais de cette façon vous serez plus à même de surprendre l’accent très germanique de von Braun, l’ancien ingénieur de Peenemünde.

MAN IN SPACE

MAN ON THE MOON

MARS AND BEYOND

Une fois ces films vus, ce qui frappe, c’est l’écart existant entre la vision – la réalité  perçue et imaginée – et la réalité que nous vivons aujourd’hui. Le futur est-il encore pour demain ? La question est amusante, mais elle traduit un vrai problème : comment continuer à faire rêver si la vision n’est plus crédible ?

Preuve de ce changement de mentalités est encore une fois le parc Disneyland en Floride : l’attraction majeure et « ultra-réaliste » de Tomorrowland (Mission to Mars) a fermé ses portes en 1992 pour faire place à un thème plus fantaisiste dans lequel la crédibilité scientifique est ostensiblement abandonnée (ExtraTERRORestrial Alien Encounter).

Enfin, pour l’anecdote, sachez que la variante parisienne (Discoveryworld) a adopté un modèle steampunk plus proche – selon la direction américaine – des mentalités européennes et qui fait grand étalage des technologies à la Jules Vernes et H. G. Wells. D’où l’attraction Space Moutain, en forme de canon géant, dans laquelle les visiteurs s’installent dans un « obus » pour être lancés « de la Terre à la Lune » et au-delà – dans la seconde version – dans la galaxie. A ce sujet, j’en profite pour remercier une certaine personne sans qui ce travail de recherche au pays de Mickey n’aurait pu être conclu à son terme.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire