mercredi 8 août 2012

Intermède martien : que cache l’ombre de Curiosity

L’actualité spatiale brûlante ne peut laisser De la Terre à la Lune muet. Aussi vais-je m’autoriser ce billet intermédiaire, préalable au second billet consacré aux nouvelles de la Sun Belt à paraître dans quelques jours.
Place tout d’abord au blockbuster de l’été : ce véritable thriller signé par la NASA qu’a été l’arrivée du rover Curiosity sur Mars, et dont la bande annonce a fait trembler plus d’un spectateur. Ce robot de 900 kg, trop lourd par rapport aux deux précédents rovers Spirit et Opportunity débarqués sur la Planète rouge grâce à un système d’airbags, a en effet adopté une procédure d’amarsissage atterrissage très complexe. Ce n’est ainsi pas moins de « 7 Minutes of Terror » qui ont séparé le rover du sol martien depuis son entrée dans l’atmosphère martienne. Une information qui n’est parvenue à la Terre que 7 minutes plus tard, soit 14 minutes au total, via Mars Odyssey d’abord, puis le Mars Reconnaissance Orbiter et la sonde européenne Mars Express ensuite – tous trois aujourd’hui en orbite autour de Mars et permettant aux signaux émis d’être relayés et aux équipes au sol de suivre le rover. Pour en savoir plus, voir le récit « From terror to triumph » publié par The Space Review.


… la réalité vue depuis Mars

… et depuis la Terre 

Arrivée sur Mars le 6 août dernier, soit huit mois après son départ de Floride à bord d’une fusée Atlas V, la mission d’exploration au sol Mars Science Laboratory (MSL) explorera le cratère Gale afin de découvrir si l’environnement martien a pu être, par le passé, propice au développement de la vie microbienne. Pour cela, Curiosity, véritable laboratoire physico-chimique sur six roues, est équipé de dix instruments scientifiques. Il possède un mât avec des caméras à haute définition et un laser pour étudier ses cibles à distance, ainsi qu’un bras articulé de 2,1m capable de forer dans la roche. Les échantillons recueillis seront ensuite analysés à l’intérieur du robot. Pour en savoir plus sur l’œil perçant de Curiosity ChemCam ou sur le laboratoire SAM, tous deux d’origine française, voir le dossier du dernier CNES MAG n°54.
The four main pieces of hardware that arrived on Mars with NASA's Curiosity rover were spotted by NASA's Mars Reconnaissance Orbiter (MRO).
Source (1 et 2)
NASA's Mars Science Laboratory Image
Le risque avec un pareil événement est de voir son ombre (ci-dessus) couvrir le reste de l’actualité. Ainsi, au moment même où les Etats-Unis fêtaient avec ostentation l’arrivée du rover sur la Planète rouge, la Russie renouait avec les malheurs qui l’avaient frappée lors du cauchemar estival de l’année passée, ainsi que l’hiver dernier avec l’échec de la sonde Phobos-Grunt. Dans la nuit de lundi à mardi 7 août, le lanceur spatial russe Proton a en effet échoué à placer en orbite géostationnaire deux satellites de télécommunications, le Russe Express MD-2 et l’Indonésien Telkom 3, aujourd’hui considérés comme perdus. En cause une nouvelle défaillance au niveau de l’étage supérieur Briz M. Cet échec est d’autant plus retentissant qu’il survient quelques jours après le 50e tir consécutif réussi du lanceur européen Ariane V, un élément qu’Arianespace compte bien exploiter. Pour Dmitri O. Rogozin, cité par le New York Times, la faute incombe au leadership vieillissant de l’Agence spatiale russe et de l’industrie spatiale russe en générale : « As long as the youngest Roscosmos director is 62, we can only dream of Mars rovers ». Et pour cause, la question fondamentale concernant la Russie est celle de la capacité du pays à moderniser et rénover son outil industriel. La restructuration progressive aujourd’hui à l’œuvre, et dont témoigneraient ces échecs récents, n’est cependant pas sans soulever des résistances.

La chose est également vraie aux Etats-Unis. 72h avant Curiosity, c’est ainsi tout un pan de la nouvelle stratégie américaine pour l’espace qui était secoué. Malgré le risque de collision publicitaire, l’arrivée de la mission MSL sur Mars n’avait en effet pas empêché le directeur de la NASA, Charles Bolden, d’annoncer, en compagnie du directeur du Kennedy Space Center, Bob Cabana, quels étaient les vainqueurs du troisième round des contrats post-Shuttle chargés de stimuler l’industrie spatiale et de développer un transport low-cost en direction de l’ISS pour les astronautes américains.

- Pour résumer les épisodes précédents : début 2010, la NASA avait lancé la première phase du programme CCDev (Commercial Crew Development) afin de sélectionner les meilleures entités privées capables de mettre fin à la dépendance américaine envers le Soyouz russe d’ici 2017, elles étaient alors cinq : Space X, Sierra Nevada, Boeing, Blue Origin, Paragon Space Development Corporation et  ULA. La seconde phase, dite CDDev2, avait suivi la même logique en l’étendant à sept entreprises, seules les quatre premières étant directement financés, les trois autres (dont ATK/Astrium) ne recevant qu’une aide technique de la part de la NASA.

- Le 3 août dernier, seules trois firmes ont finalement été retenues dans le cadre du programme CCiCap (Commercial Crew Integrated Capability Initiative, l’ex-CCDev3) assurant le partage de près de 900 millions de dollars de financement entre Space X (la capsule Dragon, soit le projet le plus avancé), Sierra Nevada (l’avion spatial Dreamchaser, soit le projet le plus ambitieux) et Boeing (la capsule CST-100, pour laquelle Boeing a obtenu un budget de 460 millions de dollars de la part de la NASA). Pour Bolden, « This is a diverse and dynamic mix of companies, each with unique experiences and proven track records in the aerospace industries ». « By keeping these three companies in the mix, we not only ensure competition, which is good for taxpayers, but we're also guaranteeing that we never find ourselves in the situation we're in today -- depending on a sole provider to get our crews to space ».
Si je vous en parle, c’est également parce que profitant d’être sur place Charlie Bolden a accepté d’assister à la cérémonie de clôture du programme d’été de l’ISU, ainsi que de partager quelques instants pour discuter avec les plus chanceux d’entre nous. C’est avec une voix empreinte d’émotion qu’il a ainsi pu déclarer devant plus de 130 passionnés d’espace de parcours et de nationalités différents que « That’s my dream. To one day have any of you, who want to, travel to space. That’s kind of naïve in a way, but I think we can do that. And I hope it will happen in many of your life times ».



La suite très bientôt…

4 commentaires:

  1. Si nous étions capable d'envoyer 900 tonnes à la surface de Mars, autant envoyer des hommes ^^

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  2. Ahahah. Bien vu, merci cher Kouak. Peut-être me suis-je pris à rêver, my mistake ! :)

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  3. Je signale ce post sur des jeux de simulation de conquête spatiale qui date des années 90 qui semble intéressant :

    http://harrel-yannick.blogspot.fr/2012/08/et-si-les-soviets-avaient-marche-sur-la.html

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  4. Merci bien. La lecture des billets de l'allié Yannick Harrel est en effet toujours instructive !

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