jeudi 16 août 2012

« La reconquête de l’espace », chez Géoéconomie


Comme annoncé il y a quelques mois, la revue Géoéconomie nous livre cet été un passionnant dossier sur « La reconquête de l’espace ». Coordonné par Xavier Pasco (FRS), ce numéro poursuit la réflexion entamée dix ans auparavant lors d’un précédent dossier sur les transformations subies par l’activité spatiale au XXIe siècle.

L’implication déclinante des Etats dans les activités spatiales était alors perçue comme le grand point de rupture. Comme l’explique Xavier Pasco dans l’article introductif, « Quel nouveau départ pour l’activité spatiale » (p. 24-30), il est aujourd’hui opportun de vérifier si cette impression diffuse est confirmée ou démentie par les événements survenus depuis. De fait, de nouveaux éléments sont venus nourrir le débat : ainsi de l’inflexion intervenue aux Etats-Unis avec l’administration Obama conduisant l’Amérique et les autres puissances à sa suite à repenser leur politique ; de l’élan européen provoqué par le traité de Lisbonne et la recherche (difficile) d’une gouvernance européenne pour l’espace ; de l’expansion des besoins liés à la consommation d’information d’origine spatiale ; de l’émergence des préoccupations de sécurité mettant l’accent sur les satellites spécialisés ; sans oublier les craintes d’une « surpopulation orbitale » et l’apparition inédite d’une situation d’interdépendance dans l’espace. Dans ce contexte la place de l’Etat évolue. Reste que si la transformation en cours des rapports entre acteurs publics et secteur privé oriente l’activité spatiale, elle est aussi limitée. Pour Xavier Pasco, « l’acteur public, étatique, demeure le centre de gravité de l’activité dans la plupart de ses facettes ».

Elaborant sur cette problématique, de même que sur ce quintuple constat, les articles qui suivent ne manqueront pas de susciter l’intérêt assidu du lecteur. Aussi ne ferai-je que proposer une mise en bouche :

« La politique spatiale américaine : entre changement et continuité » (p.49-59) fait ainsi l’objet d’une analyse d’autant plus excellente qu’elle est délivrée par LE spécialiste international : John Logsdon, dont j’ai eu le bonheur de suivre les cours cet été. L’auteur dresse un bilan de l’administration Obama au vu des deux initiatives majeures qui ont été proposées au peuple américain : la première, dont on peut d’ores et déjà observer les effets tangibles, donnant la priorité à la diplomatie internationale, la seconde, au futur beaucoup plus incertain, présentant une approche inédite pour le vol habité.

L’article proposé par Isabelle Sourbès-Verger, « Russie, Japon, Chine, Inde : quelles politiques spatiales en 2012 ? » (p. 61-72) est tout aussi intéressant. Face à la caricature, il devient en effet nécessaire de dresser le portrait fidèle des investissements spatiaux opérés par les puissances émergentes, en particulier la Chine, sans oublier ces parents pauvres de l’analyse spatiale que sont traditionnellement le Japon et surtout – de manière plus surprenante – la Russie.

L’interrogation originelle – les rapports public/privé – gagne véritablement en profondeur lorsqu’elle est étudiée dans le contexte européen et surtout français. Le point de vue des industriels, qu’il s’agisse d’Astrium (« Ecrire l’avenir de l’Espace, le projet d’Astrium », p. 73-80) décrit par le président François Auque, ou de Thales (« L’Europe spatiale reste à construire », p. 81-86) présenté par le PDG Reynald Seznec, est  éclairant. Il l’est d’autant plus qu’il fait écho avec une publication récente de l’Institut Choiseul rédigée par Didier Lucas et intitulée « Quelle politique spatiale pour la France ? Donner plus d’espace à l’industrie ». Lucas y propose l’instauration d’une série de mesures : la création d’un Secrétariat général de l’espace, l’instauration d’un Conseil permanent de concertation Etat-industrie pour l’espace, la réorientation vers l’industrie d’une partie des crédits du CNES, et la création d’un fonds de capital-risque public-privé dédié aux entreprises innovantes. Autant de pistes de réflexion que nous retrouvons suggérées par les industriels dans le présent dossier. Ainsi de la défense de la préférence européenne et du principe de réciprocité par opposition à l’ouverture à la concurrence qui est aujourd’hui de règle sur le marché institutionnel européen, de la mise en place d’un comité de concertation de la politique spatiale (industriels et institutions régaliennes), du développement d’une filière spatiale innovante incluant davantage les PME, et – sujet évidemment sensible – de l’assouplissement, voire de l’abandon, de la règle du juste retour géographique, jugée trop onéreuse et anachronique, au profit d’un renforcement de la compétition européenne. 

Le moment est propice : ces recommandations – que l’on retrouve au niveau politique à travers, pour prendre un exemple récent, la Stratégie spatiale française parue le 22 mars dernier (voir billet précédent) – s’inscrivent dans un contexte particulier, celui de la préparation de la ministérielle des Etats membres de l’ESA de novembre prochain. Le rendez-vous est de fait stratégique : l’objectif est de définir pour les cinq prochaines années à venir les grandes lignes budgétaires, de même que l’avenir toujours indécis de la filière Ariane (sur lequel la France et l’Allemagne s’opposent, avec pour principal arbitre Astrium) et le futur tout aussi important des grands programmes satellitaires. 
Les différentes versions du lanceur Ariane. Crédits : CNES/ill.D.Ducros
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