mercredi 12 décembre 2012

La Corée du Nord en orbite !

North Korean scientists watch launch of Unha-3 rocket
On l’attendait, certains parlaient de la Corée du Sud, d’autres du Brésil, c’est finalement la Corée du Nord qui devient en cette année 2012 la dixième nation de l’histoire à lancer de manière autonome un satellite en orbite après l’URSS (1957), les Etats-Unis (1958), la France (1965), le Japon (1970), la Chine (1970), le Royaume-Uni (1971), l’Inde (1979), Israël (1988) et l’Iran (2009). La télévision nord-coréenne l’a annoncé très officiellement, le North American Aerospace Defense Command (NORAD) a un peu plus tard confirmé le succès : Kwangmyongsong-3, deuxième du nom, tourne actuellement autour de la Terre à 588 x 494, i = 97,4° sur l’équateur. Le satellite n’est certainement pas très sophistiqué, il devrait toutefois fournir à la Corée du Nord une première expérience en termes de communication et d’observation basse-résolution.



En procédant au tir de la fusée Unha-3 ce mercredi 12 décembre, Pyongyang a pris par surprise toutes les chancelleries du monde ; le régime ayant annoncé plus tôt que pour des raisons techniques le tir serait reporté jusqu’à fin décembre, d’après des rumeurs le lanceur était même en train d’être démonté pour vérification. Comme le note l’UCS, ce mouvement de dernière minute est intéressant. Il pose en effet la question de savoir s’il y a réellement eu un incident technique que les ingénieurs nord-coréens sont parvenus à régler rapidement, ou si le régime a intentionnellement orchestré une campagne de manipulation afin de tromper la surveillance des Etats-Unis, du Japon et de la Corée du Sud et de réduire au maximum la collecte d’informations durant le vol.

Malgré ce succès, la Corée du Nord n’est pas assurée sur la fiabilité de sa fusée. Construire des fusées reste un travail complexe, comme les échecs précédents l’ont montré. De ce point de vue, l’utilité militaire n’est pas certaine. S’ajoutent en outre les questions de la précision du missile, de la protection du corps de rentrée et de la miniaturisation des ogives (le satellite pèse 100 kg). 

N’en demeure pas moins que, politiquement, l’impact est immense. Et de fait, comme lors des fois précédentes, à plus forte raison maintenant, ce lancement – le quatrième après les tentatives ratées de mise en orbite de Kwangmyongsong-1 en août 1998 (échec du troisième étage), Kwangmyongsong-2 en avril 2009 (échec du troisième étage) et de Kwangmyongsong-3 en avril dernier (échec du premier étage et probablement du second) – n’a pas manqué de susciter les condamnations internationales. La Chine est restée quant à elle, comme à son habitude, très ambiguë. Le tir viole ainsi les résolutions 1718 et 1874 du Conseil de sécurité dont l’intention était de dissuader la Corée du Nord de procéder au lancement de missiles balistiques – des cousins technologiquement proches des fusées – alors que parallèlement l’on annonce la préparation de futurs essais nucléaires.

En parvenant à placer un engin en orbite avant le voisin du Sud, Pyongyang a marqué un grand coup qui objectivement mérite d’être salué. L’élément « prestige » n’est en effet pas à rejeter. Par ailleurs, quoi que l’on puisse dire sur la rhétorique nord-coréenne – l’usage pacifique de l’espace, le droit à l’exploration, etc. –, l’on rappellera que toutes les puissances spatiales ont usé de pareils stratagèmes pour avancer leurs intérêts dans l’espace, militaires notamment – militaires ne signifiant par forcément « armé » au sens actif, agressif du terme. Enfin, comme le relevait Christian Lardier dans l’entretien qu’il a bien voulu accorder à l’auteur de ce blog, ce qui est fusée pour l’expert spatial est souvent missile balistique pour le journaliste généraliste : un a priori que les hésitations quant au choix de l’intitulé des différents articles de la presse généraliste ont encore confirmé aujourd’hui, et qui doit de mon point de vue, ne serait-ce que sur la forme, et ce même s’il s’appuie sur une réalité stratégique certaine voire inquiétante, être discuté, affiné.



Pour un tour rapide de la question, on lira avec intérêt les propos de Valérie Niquet pour le Monde.fr, ainsi que, parmi beaucoup d’autres, les analyses à chaud de The diplomat ou Shadow Government. Etant donné l’inflation d’analyses sur le sujet, je reviendrai sans doute sur ce lancement dans la prochaine note d’actualité : pas sûr que le flot se sera calmé d’ici là.

2 commentaires:

  1. Bonjour, même si le satellite nord coréen ne semble pas fonctionné, le fait que le lanceur est non seulement fonctionné mais à laissé tombé ses étages sur les zones prédéfinis à en effet à souligner.

    Au fait, le premier étage à était récupérer par les sud coréens, je ne me rappelle plus si ces débris sont considéré comme des épaves et s'ils appartiennent toujours a l'organisation qui à tiré la fusée.

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  2. Il faudrait se renseigner auprès d’un juriste pour obtenir les détails, mes connaissances dans le domaine sont de fait par trop imprécises et mon interprétation sans doute critiquable. Je me risque donc et vous affirme ceci : un objet spatial (il s’agit de l’intitulé officiel : le lanceur et les éléments constitutifs de celui-ci compris, débris ou non, car en réalité il n’y a pas de différence au regard du droit – et c’est un problème majeur pour ceux qui cherchent à résoudre la problématique de la pollution en orbite) appartient à l’Etat de lancement. Le revers est bien sûr que l’Etat est juridiquement responsable des dommages causés au sol (mais non dans l’espace, à nouveau un problème vis-à-vis des débris spatiaux).

    Là-encore, je ne souhaite pas entrer dans les détails, mon avis est que si jamais la Corée du Nord en venait à protester, par exemple si l’étage en question était dépecé pour étude, etc., la Corée du Sud invoquerait le prétexte selon lequel il s’agit d’un missile, non d’une fusée, et que le tir est allé à l’encontre de deux résolutions des Nations unies. S’il s’agit au contraire d’appliquer le droit spatial strict, alors la Corée du Sud remettra l’objet récupéré aux représentants de la Corée du Nord lorsque cette dernière en fera la demande officielle, les dépenses engagées pour la récupération et la restitution étant d’ailleurs dans ce cas à la charge de Pyongyang.

    Tout est là : http://www.oosa.unvienna.org/pdf/publications/STSPACE11F.pdf

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